Désignez une production architecturale récente qui vous semble intéressante et expliquez pourquoi?

Badeau est la première réalisation construite du collectif Pool is Cool. Partant du constat de l’absence de piscine publique en plein air à Bruxelles (il y en a une vingtaine à Berlin), Pool is Cool a pris l’initiative de convaincre par l’exemple en construisant un prototype le long du Canal à Molenbeek. Le succès a été foudroyant. Pendant quelques semaines, ce micro-équipement éphémère a été un activateur urbain. Il a montré à quel point l’eau est un élément de scénographie urbaine mais aussi un puissant catalyseur de ludicité de l’espace public. À notre connaissance, 4 ans après Badeau, aucune piscine en plein air n’a encore été programmée… mais Pool is Cool ne lâche pas l’affaire! J’ai choisi ce projet car il exemplifie l’élargissement du champ de la profession d’architectes. Ce retour sur le devant de la scène du design as activism. À Bruxelles, en matière d’urbanisme, de mobilité et d’équipements collectifs, on est souvent en retard d’une guerre. Les politiciens et leur administration doivent mieux comprendre que les collectifs et les citoyens pensent plus vite, en ont marre d’attendre et veulent des ‘quick win’ ! Dans cette perspective, Bruxelles est vraiment l’incarnation parfaite d’une ‘city as a shell’ (Eva De Klerk). Notre ville-casco est parfaitement imparfaite. Nous devons tous ensemble travailler à des actions menées dans une alliance win-win top-down / bottom-up. Il faut donc dès aujourd’hui augmenter fortement les budgets participatifs pour soutenir ces collectifs dans leurs actions!

Comment percevez-vous le contexte architectural à Bruxelles aujourd’hui?

C’est très bien d’identifier et disséminer les perles rares architecturales mais il est tout aussi utile de médiatiser ce qui ne va pas ! Je ne veux pas parler ici de questions de gabarits ou d’esthétiques mais plutôt d’un élément en amont: le jeu des acteurs.

Quels types de productions architecturales voulons-nous et dès lors quels jeux d’acteurs devons-nous favoriser?
Exemple: se loger est un droit fondamental. Tout processus qui favorise ce droit, si possible sans passer par la case ‘spéculation capitaliste’ (promoteurs) est à encourager vigoureusement! À Bruxelles, on a le CLTB (Community Land Trust) et à Zürich et Freiburg, il y a des acteurs-producteurs de logements ‘non-spéculatifs’ comme les coopératives et les Baugruppe. 25 % des logements zurichois sont gérés par ces coopératives! Quand l’administration bruxelloise décide de plans pour urbaniser Josaphat ou la Gare de l’Ouest, est-ce qu’elle se pose VRAIMENT la question du jeu des acteurs? Si je découpe le sol en parcelles de telle taille et avec telle échelle de programme, est-ce que je permets que, à la place d’Atessud, Immojoli, etc., un Baugruppe puisse proposer un projet? Je pointe là un enjeu fondamental: découper le sol et les programmes d’une certaine façon, c’est favoriser certains types d’acteurs et de résultats architecturaux et sociaux. À Bruxelles, trop peu est entrepris par la force publique pour faire de la place aux porteurs de projets non-spéculatifs. Il faut que cela change!

Présentez-vous en quelques lignes.

Architecte, enseignant à la faculté d’architecture de l’UCLouvain, commissaire, avec Pauline de La Boulaye, du livre-expo ‘Inventaire architectures Wallonie- Bruxelles 2016-20’ et fondateur, avec Dimitri Fache, de l’atelier de pratiques culturelles et architecturales ‘Usages’.