Emilie
Boeur
Désignez une production architecturale récente qui vous semble intéressante et expliquez pourquoi?
WTCI, 22h. Quelques-uns trainent autour des kitchenettes, Chimay à la main. Nous terminons un dossier de candidature et on a faim. Heureusement, Uber Eats livre partout. Du 26ème étage de cette tour d'ébène, nous rejoignons l'entrée de nuit mais le concierge est occupé à effectuer ses rondes. Nous attendons derrière la double paroi du sas vitré verrouillé, qui sans son intervention, empêche à quiconque d'entrer ou de sortir. Dehors, on distingue des ombres qui circulent. Le livreur, las d’attendre, dépose notre commande fumante, au pied de la porte fermée. Nous piétinons quand une des ombres s'approche. Un jeune homme a aussi respiré le fumet du sac en papier kraft. Il nous regarde à travers le vitrage alors que nous sommes enfermés. Il hésite, semble nous souhaiter un 'bon appétit' timide, puis disparaît. Sans voix, alors que le tac du déverrouillage se fait entendre, nous récupérons notre colis, le cœur serré. Les frites sont composées de patates douces et pourtant, le goût est amer.
Comment percevez vous le contexte architectural à Bruxelles aujourd’hui?
Architecte ayant une pratique professionnelle en Wallonie, à Bruxelles et en Flandre, je perçois, à mon grand regret, le contexte architectural bruxellois de manière élitiste. C'est pourquoi, j'ai choisi d'évoquer l'occupation temporaire du World Trade Center et la stratification spatiale et sociale qui s'y est mise en place. Au départ, une poignée de postulants réussit le casting lui permettant d'accéder à ce lieu vide (mais exceptionnel) pour un laps de temps déterminé. L'idée est bonne mais l'application ressemble davantage à une tour d'ivoire. Certains s'ajoutent même au système en place pour quelques semaines seulement, uniquement pour 'en faire partie'? Selon moi, l'accès aux appels à projets d'architecture à Bruxelles fonctionne sur ce modèle de club privé. Afin d'éviter l'entre-soi, il est peut-être temps de répondre anonymement aux candidatures, dans le but de se focaliser sur les projets et non sur les individus.
Présentez vous en quelques lignes.
Architecte indépendante (diplômée de Saint-Luc Bruxelles en 2008), j'ai collaboré avec différents bureaux d’architecture et de paysage. Parallèlement à ma pratique, j'ai suivi les masterclasses ]pyblik[ (certificat ‘concepteur d’espaces publics’). Et mon goût pour le paysage m'a amenée à poursuivre un cursus en Analyse Paysagère à l'Université de Namur. La conception et la réalisation concernent des projets de nouvelle construction et de rénovation à Bruxelles, en Wallonie et en Flandre.